Consolons nous de l’annulation des Last Poets (qui partait pourtant pour être l’évènement de l’année à l’Espace Julien) en nous procurant ce joyau à la pochette abyssale et profonde, signé Larry McDonald, et pour le hisser probablement au rang DU disque de l’année...
Pour faire le tour de son sillage musical, il faut commencer par le resituer comme LE percussionniste attitré de Gil Scott-Heron (jamaïcain d’origine lui aussi), mais aussi ressortir de nos bacs vinyls le chef d’œuvre de Peter Tosh (Bush Doctor), l’album solo de Wiss (d’Israël Vibration), la discographie de Taj Mahal (le bluesman caribéen échoué en Californie) et même aller beaucoup plus loin avec les dérives post métal du membre fondateur de Sepultura au sein de l’entité Soulfly ! Plus récemment, et toujours à NewYork sa deuxième patrie, on pouvait noter sa participation inégalable au son Ska Revival de Dave Hilliard (ancien Slackers) comme à la mouture roots-instrumentale créé par David Hahn, membre d’Antibalas, « Dub is the weapon » dont la carrière l’a amené à jouer live avec Lee Scratch Perry ! (allez voir sur you-tube !).
Avant de quitter (vers 73) son île natal de la Jamaïque, Larry Mcdonald fréquentait déjà les studios pour y accompagner Bob Marley (période JAD) ou le groupe expérimental Zap Pow, et d’autres moins connus comme Denzil Laing ou Clancy Eccles. Il a ensuite suivi l’envol en solo des Wailers (participant même au « Blackheart Man » de Bunny) et des premiers groupes de Reggae new-yorkais, comme les parfaits inconnus Jah Malla.
Ce premier album surprenant est donc le meilleur moyen pour lui de se replonger dans les cinquante et quelques années de sa carrière ! Le concept original de Drumsquestra a été de réunir uniquement en studio les meilleurs batteurs, percussionnistes et chanteurs, de la génération des Bongo Herman et des Mystic Revelation of Rastafari à celle de Sly Dunbar et d’Alvin Houghton, avec aussi l’apport d’un percussioniste brésilien, de remixeurs issus du combo hip-hop boogie Down Productions, confrontés au son pur du elder Bongo Shem, de Saint Thomas (sa paroisse et celle de son producteur Sydney Mills). Le remous provoqué se révèle être une parfaite fusion, et l’on s’étonne de naviguer sur des rythmes entraînants et modernes en écoutant un flow de paroles avisées. Les rythmes menés tambours battants partent de Jamaïque (le Hit « Head over Heels » avec Dollarman en bonne introduction à l’album) pour visiter ensuite le Brésil, la Côte d’Ivoire (« Backyard Business »accompagné par le message africain de Joe Thomas et des percus kumina), l’Inde (avec le scat infernal des Paray suivant à leur façon le tempo jamaïcain) ou New-york bien sur…
Au gré des courants qui ont inspiré le musicien pendant sa prolifique carrière, il invite à chacun de ces voyages l’accompagnateur idéal pour chanter cette quête de sens si diverse mais tant universelle. Si le chant froissé de Stranger Cole ou le miracle gospel de Toots Hibbert sur de la Go-Go House peut dérouter, la Dub Poetry de Mutabaruka (ou du sublime morceau de Ras Tesfa, grande découverte de ces featurings) tout comme le rap de Bobby Davis alias Shaza (dans « No More ») tient la barre d’un militantisme pro-black cher à Abbey Lincoln et reste dans le sillage de la veine consciente du hip-hop. L’ensemble ravise l’auditeur après plusieurs écoutes car la richesse du fond efface l’absence voulue des autres instruments. Un océan de bien-être (« Peace of Mind ») prend place peu à peu (sur le morceau Mento, on y entend même Larry frapper sur des rocs au fond de la grotte d’Anotto Bay), et pour conclure ce Jubilé, il cite dans une sorte d’improvisation slamesque tous les pionniers du Jazz de son île natale, une façon de les inviter à cette croisière peu banale agitée de peaux et de claves, mais qui ne demanderait qu’à être accompagné d’un piano (Monty Alexander), d’une guitare (Ernest Ranglin) ou d’une contrebasse (celle de Gary Cosby et du Jazz Jamaica all stars en serait la meilleure illustration…)
Larry McDonald – Drumquestra (MCPR music/I welcom)