Pour une fois, ce n’est pas la ligne de basse qui donne le thème à ce riddim, et qui le rend reconnaissable entre milles, mais quelques notes répétées au piano, et que l’on entend dès l’intro de mon mix ci-contre (en direct sur le 88,8 le 07 Décembre prochain… Une production Bunny Lee de la fin des années 60, « My Conversation » est une foundation tune d'un des plus fabuleux chanteurs que la Jamaïque ait engendré (et qui n'a malheureusement gardé aucune image vidéo de lui ! ! ! !), et n’est pas non plus issu du vaste catalogue Studio One, alors que ce chanteur a enregistré un album entier pour Coxsone. On en trouvera tout de même deux versions, une par Cornell Campbell et plus rare par Wendell Haye (?).
Outre ces deux originalités, c’est avant tout le premier riddim à avoir été décliné sur un album entier, « Yamaha Skank », une idée du producteur Rupie Edwards en 1971. Alors explication : Au début des années 70, Rupie voulait bien produire, mais sans le sou, pas de son, et il avait du trouver un travail régulier à Kingston : Chef mécano dans un garage, il a pu gràce à ce petit boulot vidanger la caisse de Duke Reid, redresser l’aile de Coxsone et vérifier les cardents de Bunny Lee. Idéal pour tisser des liens dans le business ! On imagine facilement un de ses éparations « rémunérée » par le don d'un titre, en l'occurence ce "My conversation", avec l’autorisation pour le nouveau propriétaire d'en faire ce qu’il en voulait. Plutôt que de la réinterpréter par différents chanteurs, Rupie a pris le parti d'enregistrer tous ses poulains dessus, musiciens, DJ, et même les apprentis de son garage ! Cela vaut bien une autre explication : Le jeune Stumpy, travaillant également sous le capot des voitures, a entendu ce morceau et imaginé un toast dessus, le lendemain d’une soirée où se clashaient (déjà) deux sound-systems rivaux, President et Stereo de Spanish Town. Deux jours plus tard, en studio, il donna l’idée à Rupie qui a tout d’abord tenté de donner le micro à U-Roy junior, sans succès. Il eut alors l’idée d’enchainer ses lyrics en sifflant l’air de piano évoqué tout à l'heure, et ce fut un hit, tant et si bien qu’il prit le nom de scène définitif de Shortie the President, et fut même le seul à sortir dans le même temps deux autres succès sur ce même instrumental (et incidement devenu un standard du public skinhead d'Angleterre !).
Ce disque 33 tours a été ré-édité à la fin des années 80 sous le titre « Let there be version », avec trois inédits. Pendant les années roots, on retiendra les versions de Leroy Smart, de Jah Thomas et surtout de Barrington Levy, « Collie weed », la plus rare aujourd’hui étant celle de Black Skin, « Hey Mister Babylon » (ensuite toasté par Yellowman sur le maxi 45 tours)… Puis Lone Ranger (ou Dillinger suivant les témoignages) eut l’idée d’y intégrer l’histoire sulfureuse de Barney, surnom du vampire Barnabas Collins : Succès mmédiat, et pain béni pour Scientist et sa version dub affolante ! Après avoir été longtemps oublié, le Dancehall lui donna une seconde vie, par l’intermédaire du label Big Yard en 1999 (avec une subtile version de Beres Hamond et son pendant DJ par le producteur Shaggy lui même) puis repris par Digital B et Stone Love en 2000 et BrickWall en 2001 dans de brillantes séries (quoiqu'un poil trop Lovers).
Coté Anglais, après le pur bijou de Judge Dread (son tube Big Seven, qu'il a reprit ensuite avec Docteur Ring a ding), c’est l’écurie Fashion qui a remodellé l’instrumental pour y faire apparaître le toast rapide de Tippa Irie, un souvenir mémorable dans les bacs du disquaire Blue Moon au milieu des années 80 et peut-être la version la plus inventive. Si je n’ai toujours pas trouvé de version Rap pour le Ba Ba Boom, celui là a été judicieusement repris par les canadiens Dream Warriors sur leur premier LP !
Rappellons tout de même l'existence du groupe originel vocal des UNIQUES qui a enregistré ce "My conversation", avec son chanteur Slim Smith. Un succédanné des Techniques, le groupe a démarré avec Franklyn White & Roy Shirley, mais Lloyd Tyrell, Jimmy Riley, Al Campbell, Cornell Campbell sont passés dans la formation au fil des ans, il est d'ailleurs logique et légitime de retrouver en solo leurs versions respectives. Quant à savoir qui chante sur l'original, c'est plus dur ! (surtout qu'il en existe au moins trois différentes, sdont une titré par Trojan "Brotherly Love")... Enfin, pour être complet, signalons pour les fans dingues de séries américaines que cette chanson figure dans le quatrième épisode de la deuxième année de la série Lost, car le 45 tours est écouté sur un vieil électrophone de la base (Rose fait passer le disque sur la platine du Cygne pour donner du coeur à l'ouvrage à Hurley). Peut-être que les auteurs ont vu dans ce morceau la faille psychologique de son chanteur, toujours est-il que Slim Smith a eu une fin de carrière brutale. Après une déception sentimentale, il fut interné à l'hopital Bellevue (le même qui avait reçu Don Drummond) puis une nuit passa par la fenêtre de sa maison, au sens littéral, et mourrut de blessures consécutives aux bris du verre causés. Triste fin pour la Jamaïque, mais surtout première idole à passer l'arme à gauche, en pleine gloire. Et Dieu sait si à l'annonce récente de celle de la mort de Gregory Issacs, on ne pourra que conclure que si elle n'a pas été un choc pour beaucoup, c'est qu'elle n'a pas eu lieu 20 ans plus tôt...(NB : TOUTES LES PHRASES SURLIGNEES VOUS DONNENT RENDEZ-VOUS SUR YOU TUBE PAR UN SIMPLE CLIC, UNE AUTRE FACON DE MIEUX REDECOUVRIR CE RIDDIM ! ! ! )