Pour s’y retrouver dans la fourmilière de la production jamaïcaine, il faut toujours remonter aux trois grands arbres, les « big tree » cités par Bob avec un fin jeu de mots. En effet, à l’époque de l’écriture de « Small Axe », Bob était sous l'aile de Lee Perry le fouteur de merde, dans l’underground des débuts du Reggae. Ils s’inscrivaient en tant que rebelles, tel des haches affûtées pour couper ceux qui leur faisaient de l’ombre… Trois grands producteurs monopolisaient alors toutes les attentions : Coxsone Dodd, Duke Reid et Leslie Kong. Les deux premiers, rivaux de toujours depuis la folie Rock Steady avaient désormais un nouveau concurrent (surtout depuis que Prince Buster était très occupé avec un autre business de juke-boxes) en la personne de Leslie Kong, premier chinois accédant à la gloire (avec entre autres Marley dans ses productions) juste avant sa sinistre et mystérieuse disparition. Dès la nouvelle décennie, il y a de cela quarante ans aujourd’hui, de nombreux autres rivaux allaient naître et se multiplier, s'entêtant à publier sur leurs propres labels les trésors que l’on connaît : Bunny Lee, Harry J, Joe Gibbs, Sonia Pottinger, Rupie Edwards et justement Keith Hudson sont ceux qui ont recueilli les premières heures du Roots…
Hache comme Hudson
Tout jeune déjà, ce futur producteur organisait des concerts dans son école (partageant le banc avec Bob, Ken Boothe ou Delroy Wilson), la musique était partout à la maison, avec son cousin Mr Fix it alias Winston Francis, son oncle et tante (qui formaient un duo du nom des « Little Twisters ») et son grand père qui aimait jammer avec les Cubains ! Il se promenait aux cotés de Don Drummond pour transporter son trombone aux sessions d’enregistrements. Déjà réactif du haut de ses 14 ans, il fit même enregistrer en 1960 les membres d’un groupe qui deviendra deux ans plus tard les Skatalites. Mais il ne le sortit pas de suite, préférant suivre un enseignement médical pour devenir dentiste. Un chemin pas si commun pour un artiste ! Son propre label (Imbidimts puis Rebind) démarra en 1968 mais il est surtout connu pour avoir déclenché la mode du talk-over, les premiers deejays issus des Sound Systems n’ayant pas encore pu passer à la Radio ni sortir des disques: Voilà ce que cela donne en jamaïcain dans le texte, au cours d'une discussion avec King Stitt (courtesy of Ray Hurford) : "No man woodn try fe come in between me and de deejay dem. Caw me bring U Roy an when me bring U Roy, U Roy go out deh wid Duke Reid an Duke Reid a mash it up wid him an me say 'A whey de blood claat me a gwaan wid'. An me go inna de Lane go find Dennis Al Capone an bring out Dennis Al Capone come gi U Roy a blood claat competition... An him switch an go to Duke... And me say a whey de blood claat do hoonoo, come Big Yout numba one S90. Me a tell yu man." « Old fashioned way » fut d’abord un énorme hit pour Ken Boothe sur ce fameux instrumental enregistré dans sa jeunesse huit ans plus tôt. Décliné par U-Roy (son premier vrai enregistrement, même si « Earth Righful Ruler » pour Lee Perry est sorti avant) ou par Dennis Alcapone, « Dynamic fashion way » et « Spanish Omega » suscita un tel enthousiasme que Duke Reid signa très vite ces deux artistes pour leurs « Versions Galore » - a gogo. Dans la superbe réédition de Trojan (le vinyl studio kinda cloudy de 1988, ou le cd “The Hudson affair” quelque vingt ans plus tard avec de nombreux bonus), on entend même U-Roy sur l’intro nous dire : "Now how wonderful it is to be surrounded by these brothers of talent... studio real kinda cloudy as I would say !" Innovateur jusqu’au bout, Keith commanda à Errol T un « faux départ » pendant la session de Dennis, particularité que l’on retrouvera sans cesse dans les futures productions DJ. Quand il enregistre ensuite Big Youth pour son troisième single, « S.90-Yamaha Skank" ils apportent une moto dans le studio pour enregistrer en intro son moteur, précédant en cela les collages sonores de Lee Perry ou Coxsone : Ce fut le premier succés de ce nouveau DJ. La parure dentaire qu’il arbore lorsqu’il éclate de rire ne peut nous empêcher de penser qu’elle soit l’œuvre du fameux dentiste producteur : Interrogé à Marseille sur ce détail, Big Youth (accompagné de Max Roméo) se fendit la gueule en répondant un simple « you’re right ! ». On n’en sait pas plus mais Keith n’était sûrement pas étranger au look de son protégé… Sauf que Big Youth dit s’être fait arnaquer par « tous les producteurs sans exception », et décida vite de se produire lui-même sous ses propres labels… Ne voyant guère de rétribution à avoir commercialisé ce nouveau style, Keith Hudson fit de même en ne produisant plus d’autres artistes après 1974, excepté le set DJ de Miltant Barry. Après avoir signé Alton Ellis, John Holt, Johnny Clarke (par l’intermédiaire de « Stamma » son garde du corps qui possédait les même initiales que lui), il réunit ses compositions chantées sur l’album « Class & Subject ». Là encore, cet opus innovateur (sur un de ses autres labels, Mafia) est semble t-il le premier LP à avoir utiliser le format vocal/dub, genre qui s’est généralisé dans la fin des années 70 avec les albums showcase. Que ce soit avec les frères Barrett ou les jeunes pousses du Soul Syndicate Fully & Santa comme paire rythmique, ses deux autres albums (Furnace et Enter the dragon) n’eurent que des succès d’estime… Si l’on écoute les travers vocaux de “Will You Come Out Tonight” on comprend que ses facultés assez limitées aient été si peu considérées à l’époque ! C’est que Hudson est un « avatar » du Reggae, à l’instar de Joe Higgs, Freddie Mc Kay, Winston Jarrett, Little Roy ou Chinna Smith. En ce sens qu’il n’est pas conforme à un style en vogue, que son reggae est râpeux, et sans concession, "brut de décoffrage". Là où Lee Perry pouvait être loufoque, Keith Hudson est sincère et déconcertant. Les thèmes abordés, mystiques et angoissants, ne font pas allusion dès le début à sa foi en Rastafari, mais à des sujets peu communs comme la mort, l’au-delà, la Foi et la fierté de sa race. Tel un Robert Johnson voulant rencontrer le diable au croisement des musiques, il s’expatrie alors à Londres. Tout pouvait porter à croire que l’on n’allait plus entendre parler de lui…
Le blues du Dentiste
On retrouvera pourtant sa trace jusque dans les potards du groupe pop-punk New Order, qui reprit pour les sessions de John Peel (et sûrement d'après ses conseils, l'homme de radio étant un érudit de Reggae) "Turn the heater on", avec un solo de Mélodica bien senti. Aujourd'hui Cultes, et jamais sorti en Jamaïque, ses deux albums anglais que sont « Flesh of my Flesh, Blood of my Blood » (le premier concept album en Reggae ?) et « Torch of Freedom » (toujours en version showcase) s’arrachent à prix astronomiques dans leurs versions originales. Keith Hudson est aussi nommé pionnier pour avoir sorti « Pick a Dub », premier album Dub à voir le jour au Royaume Uni, avec l’aide de Family Man, et d’un rasta employé de banque. Retour à Kingston 11, Mall Road, en 1974: Plutôt que de le voir emprunter, Junia Walker lui achète ses productions (dans une boutique de disques à l’arrière salle du cabinet dentaire ?) et devient rapidement un ami. Il les diffuse en Sound System pour El Conquistador (le puissant « Hunting » notamment) et assemble délibérément les mixes de Tubby en vue de les synthétiser dans un album. Sûrement la meilleure illustration d’un recyclage intelligent de morceaux déjà pressés, le résultat est prodigieux : De la version mélodica de Augustus Pablo à l’affaire Michaël Talbot (musicologue influent anglais), du bijou d’Horace Andy "Don't Think About Me, I'm Alright" aux reprises des Abyssinians "Satta Massagana" et "Declaration of (black) Rights". Il faudra attendre 1994 pour le découvrir grâce à Blood & Fire. Un autre de ses riddims réutilisés sans cesse « Melody maker » a du ravir Vivien Goldman, qui entrait alors au journal pour ses célèbres chroniques Reggae… La carrière du chanteur suivra en fait celle de Prince Far I ou Tapper Zukie et touchera le goût des occidentaux : L’emploi de steel drums et de guitare électrique donne dans « Look at me » une profondeur proche du Rock progressif par exemple, et sa seule reprise sera « I shall be released » de Bob Dylan) mais pourtant sa signature sur Virgin Records sera un désastre. « Too expensive » malgré le single « Civilization » est raté, et pousse l’ex-dentiste dans ses retranchements, et hors des frontières anglaises. Il dit ne pas s’être fait comprendre par l’écurie de Branson car il rêvait d’un autre Bob Marley, ils en ont fait une copie d’Eddy Grant !… Sous un pseudo sortit le killer roots "(Jonah) Come Out Now", puis libéré du label anglais, il enregistra ensuite son plus bel effort, avec le Soul Syndicate, « Rasta Communication ». Aidé encore une fois par son ami Junia Walker pour créer son label Joint International aux USA, la version dub « The joint » sortit avant celle chanté (publié en Angleterre par Greensleeves avec les textes des chansons) ou celle toasté par un terrible Militant Barry (« Green Valley »). Dépassé par la mode dancehall du moment, le « Dark Prince of reggae » s’enregistre alors sur de vieux riddims (« Playing it cool ») et sort un dernier album familial, « Steaming jungle » avant de disparaître prématurément à 36 ans (le 14 Novembre 1984) d’un cancer du poumon décelé trois mois avant, alors qu’il travaillait encore à Tuff Gong avec les frères Barrett un ultime opus, Rebel Rasta …
Marié à Jean Hudson qui a publié un magazine reggae avec Sky High aux USA « Jamaican Times », son plus jeune fils Keith Hudson Jr alias Tryfle (né un mois après la mort de son père) s’est fait depuis un nom dans la musique hip-hop (signé par Anthony « Fate » Lynch), tout comme ses autres frères Jabula « Stress » (qui a sorti un livre sur sa vie familiale et le mystère qui entoure la mort de sa mère en 1992) & Ricky Hudson alias Ricky Street. Les labels Basic Replay, Blood and Fire, Pressure Sounds, et Trojan ont quant à eux depuis ressorti tous les chefs d’œuvre du paternel, il est donc impardonnable aujourd’hui de ne pas plonger dans cet univers sombre et bluesy, tortueux et démoniaque… Ceux qui découvrent Winston Mcanuff aujourd’hui devraient vite kiffer Hudson (« Turn the Heater on » pourrait faire partie de son répertoire). Laisser vous surprendre par le nombre de versions et de visions qu’il donne à ses morceaux pour s’arrêter devant l’imparable simplicité de ces cuts instrumentaux… Laissons le clamer son art en guise d’oraison funèbre :
« Cet album a été composé comme un préliminaire à la liberté. Rarement Keith ne s’était retrouvé dans une telle situation, à la recherche de sa vraie image, développant à partir d’un abîme mortel, l’Amour. Au-delà des lamentations, critiques et refus, il tend le flambeau de la Liberté, le summum de l’auto rédemption de l’homme noir et cet album décrit ses torches brûlantes de ce mouvement, de cet esprit de ce discours. L’Afrique a besoin de nous, Terre des Rois et des princesses. Parfois, nous perdons notre chemin, dans la mort et le noir, mais Dieu est sans cesse avec nous. Les larmes peuvent être effacés, mais pas le souvenir… Aussi je penserai toujours aux bons moments que nous avons eu, et que nous aurons encore. Continuons le Combat ! » (Torch of freedom, notes de pochette, traduction libre)
Le kiffe du son en cinq leçons !Hache comme Hudson
Tout jeune déjà, ce futur producteur organisait des concerts dans son école (partageant le banc avec Bob, Ken Boothe ou Delroy Wilson), la musique était partout à la maison, avec son cousin Mr Fix it alias Winston Francis, son oncle et tante (qui formaient un duo du nom des « Little Twisters ») et son grand père qui aimait jammer avec les Cubains ! Il se promenait aux cotés de Don Drummond pour transporter son trombone aux sessions d’enregistrements. Déjà réactif du haut de ses 14 ans, il fit même enregistrer en 1960 les membres d’un groupe qui deviendra deux ans plus tard les Skatalites. Mais il ne le sortit pas de suite, préférant suivre un enseignement médical pour devenir dentiste. Un chemin pas si commun pour un artiste ! Son propre label (Imbidimts puis Rebind) démarra en 1968 mais il est surtout connu pour avoir déclenché la mode du talk-over, les premiers deejays issus des Sound Systems n’ayant pas encore pu passer à la Radio ni sortir des disques: Voilà ce que cela donne en jamaïcain dans le texte, au cours d'une discussion avec King Stitt (courtesy of Ray Hurford) : "No man woodn try fe come in between me and de deejay dem. Caw me bring U Roy an when me bring U Roy, U Roy go out deh wid Duke Reid an Duke Reid a mash it up wid him an me say 'A whey de blood claat me a gwaan wid'. An me go inna de Lane go find Dennis Al Capone an bring out Dennis Al Capone come gi U Roy a blood claat competition... An him switch an go to Duke... And me say a whey de blood claat do hoonoo, come Big Yout numba one S90. Me a tell yu man." « Old fashioned way » fut d’abord un énorme hit pour Ken Boothe sur ce fameux instrumental enregistré dans sa jeunesse huit ans plus tôt. Décliné par U-Roy (son premier vrai enregistrement, même si « Earth Righful Ruler » pour Lee Perry est sorti avant) ou par Dennis Alcapone, « Dynamic fashion way » et « Spanish Omega » suscita un tel enthousiasme que Duke Reid signa très vite ces deux artistes pour leurs « Versions Galore » - a gogo. Dans la superbe réédition de Trojan (le vinyl studio kinda cloudy de 1988, ou le cd “The Hudson affair” quelque vingt ans plus tard avec de nombreux bonus), on entend même U-Roy sur l’intro nous dire : "Now how wonderful it is to be surrounded by these brothers of talent... studio real kinda cloudy as I would say !" Innovateur jusqu’au bout, Keith commanda à Errol T un « faux départ » pendant la session de Dennis, particularité que l’on retrouvera sans cesse dans les futures productions DJ. Quand il enregistre ensuite Big Youth pour son troisième single, « S.90-Yamaha Skank" ils apportent une moto dans le studio pour enregistrer en intro son moteur, précédant en cela les collages sonores de Lee Perry ou Coxsone : Ce fut le premier succés de ce nouveau DJ. La parure dentaire qu’il arbore lorsqu’il éclate de rire ne peut nous empêcher de penser qu’elle soit l’œuvre du fameux dentiste producteur : Interrogé à Marseille sur ce détail, Big Youth (accompagné de Max Roméo) se fendit la gueule en répondant un simple « you’re right ! ». On n’en sait pas plus mais Keith n’était sûrement pas étranger au look de son protégé… Sauf que Big Youth dit s’être fait arnaquer par « tous les producteurs sans exception », et décida vite de se produire lui-même sous ses propres labels… Ne voyant guère de rétribution à avoir commercialisé ce nouveau style, Keith Hudson fit de même en ne produisant plus d’autres artistes après 1974, excepté le set DJ de Miltant Barry. Après avoir signé Alton Ellis, John Holt, Johnny Clarke (par l’intermédiaire de « Stamma » son garde du corps qui possédait les même initiales que lui), il réunit ses compositions chantées sur l’album « Class & Subject ». Là encore, cet opus innovateur (sur un de ses autres labels, Mafia) est semble t-il le premier LP à avoir utiliser le format vocal/dub, genre qui s’est généralisé dans la fin des années 70 avec les albums showcase. Que ce soit avec les frères Barrett ou les jeunes pousses du Soul Syndicate Fully & Santa comme paire rythmique, ses deux autres albums (Furnace et Enter the dragon) n’eurent que des succès d’estime… Si l’on écoute les travers vocaux de “Will You Come Out Tonight” on comprend que ses facultés assez limitées aient été si peu considérées à l’époque ! C’est que Hudson est un « avatar » du Reggae, à l’instar de Joe Higgs, Freddie Mc Kay, Winston Jarrett, Little Roy ou Chinna Smith. En ce sens qu’il n’est pas conforme à un style en vogue, que son reggae est râpeux, et sans concession, "brut de décoffrage". Là où Lee Perry pouvait être loufoque, Keith Hudson est sincère et déconcertant. Les thèmes abordés, mystiques et angoissants, ne font pas allusion dès le début à sa foi en Rastafari, mais à des sujets peu communs comme la mort, l’au-delà, la Foi et la fierté de sa race. Tel un Robert Johnson voulant rencontrer le diable au croisement des musiques, il s’expatrie alors à Londres. Tout pouvait porter à croire que l’on n’allait plus entendre parler de lui…
Le blues du Dentiste
On retrouvera pourtant sa trace jusque dans les potards du groupe pop-punk New Order, qui reprit pour les sessions de John Peel (et sûrement d'après ses conseils, l'homme de radio étant un érudit de Reggae) "Turn the heater on", avec un solo de Mélodica bien senti. Aujourd'hui Cultes, et jamais sorti en Jamaïque, ses deux albums anglais que sont « Flesh of my Flesh, Blood of my Blood » (le premier concept album en Reggae ?) et « Torch of Freedom » (toujours en version showcase) s’arrachent à prix astronomiques dans leurs versions originales. Keith Hudson est aussi nommé pionnier pour avoir sorti « Pick a Dub », premier album Dub à voir le jour au Royaume Uni, avec l’aide de Family Man, et d’un rasta employé de banque. Retour à Kingston 11, Mall Road, en 1974: Plutôt que de le voir emprunter, Junia Walker lui achète ses productions (dans une boutique de disques à l’arrière salle du cabinet dentaire ?) et devient rapidement un ami. Il les diffuse en Sound System pour El Conquistador (le puissant « Hunting » notamment) et assemble délibérément les mixes de Tubby en vue de les synthétiser dans un album. Sûrement la meilleure illustration d’un recyclage intelligent de morceaux déjà pressés, le résultat est prodigieux : De la version mélodica de Augustus Pablo à l’affaire Michaël Talbot (musicologue influent anglais), du bijou d’Horace Andy "Don't Think About Me, I'm Alright" aux reprises des Abyssinians "Satta Massagana" et "Declaration of (black) Rights". Il faudra attendre 1994 pour le découvrir grâce à Blood & Fire. Un autre de ses riddims réutilisés sans cesse « Melody maker » a du ravir Vivien Goldman, qui entrait alors au journal pour ses célèbres chroniques Reggae… La carrière du chanteur suivra en fait celle de Prince Far I ou Tapper Zukie et touchera le goût des occidentaux : L’emploi de steel drums et de guitare électrique donne dans « Look at me » une profondeur proche du Rock progressif par exemple, et sa seule reprise sera « I shall be released » de Bob Dylan) mais pourtant sa signature sur Virgin Records sera un désastre. « Too expensive » malgré le single « Civilization » est raté, et pousse l’ex-dentiste dans ses retranchements, et hors des frontières anglaises. Il dit ne pas s’être fait comprendre par l’écurie de Branson car il rêvait d’un autre Bob Marley, ils en ont fait une copie d’Eddy Grant !… Sous un pseudo sortit le killer roots "(Jonah) Come Out Now", puis libéré du label anglais, il enregistra ensuite son plus bel effort, avec le Soul Syndicate, « Rasta Communication ». Aidé encore une fois par son ami Junia Walker pour créer son label Joint International aux USA, la version dub « The joint » sortit avant celle chanté (publié en Angleterre par Greensleeves avec les textes des chansons) ou celle toasté par un terrible Militant Barry (« Green Valley »). Dépassé par la mode dancehall du moment, le « Dark Prince of reggae » s’enregistre alors sur de vieux riddims (« Playing it cool ») et sort un dernier album familial, « Steaming jungle » avant de disparaître prématurément à 36 ans (le 14 Novembre 1984) d’un cancer du poumon décelé trois mois avant, alors qu’il travaillait encore à Tuff Gong avec les frères Barrett un ultime opus, Rebel Rasta …
Marié à Jean Hudson qui a publié un magazine reggae avec Sky High aux USA « Jamaican Times », son plus jeune fils Keith Hudson Jr alias Tryfle (né un mois après la mort de son père) s’est fait depuis un nom dans la musique hip-hop (signé par Anthony « Fate » Lynch), tout comme ses autres frères Jabula « Stress » (qui a sorti un livre sur sa vie familiale et le mystère qui entoure la mort de sa mère en 1992) & Ricky Hudson alias Ricky Street. Les labels Basic Replay, Blood and Fire, Pressure Sounds, et Trojan ont quant à eux depuis ressorti tous les chefs d’œuvre du paternel, il est donc impardonnable aujourd’hui de ne pas plonger dans cet univers sombre et bluesy, tortueux et démoniaque… Ceux qui découvrent Winston Mcanuff aujourd’hui devraient vite kiffer Hudson (« Turn the Heater on » pourrait faire partie de son répertoire). Laisser vous surprendre par le nombre de versions et de visions qu’il donne à ses morceaux pour s’arrêter devant l’imparable simplicité de ces cuts instrumentaux… Laissons le clamer son art en guise d’oraison funèbre :
« Cet album a été composé comme un préliminaire à la liberté. Rarement Keith ne s’était retrouvé dans une telle situation, à la recherche de sa vraie image, développant à partir d’un abîme mortel, l’Amour. Au-delà des lamentations, critiques et refus, il tend le flambeau de la Liberté, le summum de l’auto rédemption de l’homme noir et cet album décrit ses torches brûlantes de ce mouvement, de cet esprit de ce discours. L’Afrique a besoin de nous, Terre des Rois et des princesses. Parfois, nous perdons notre chemin, dans la mort et le noir, mais Dieu est sans cesse avec nous. Les larmes peuvent être effacés, mais pas le souvenir… Aussi je penserai toujours aux bons moments que nous avons eu, et que nous aurons encore. Continuons le Combat ! » (Torch of freedom, notes de pochette, traduction libre)
1°) Pick A Dub - 1974 - Mamba / Atra / Blood & Fire (CD)
2°) Rasta Communication - 1978 - Joint International (US) Greensleeves (UK), sa version dub Brand - 1977 - Joint International (US) / Brand (UK) / Pressure Sounds (CD) et son DJ set Militant Barry – Green Valley (Vista Sounds)
3°) Keith Hudson & Various Artists - Studio Kinda Cloudy - Trojan (1988) / The Hudson Affair - Trojan (2004) ou Keith Hudson & Various Artists - Shades Of Hudson - VP (1996)
4°) Flesh Of My Skin, Blood Of My Blood - 1975 - Mamba /Atra 1988
5°) Nuh Skin Up Dub - 1982 - Joint International (US)
Le kiffe du son en cinq anecdotes !
1°) Sur Brand, Higher Heights contient un subtil Mélodica, et le toast de Shorty the President.
2°) Son label Inbidimts signifierait « celui qui connaît le son ». En quel langue ? Il semblerait aussi qu’il ait eu un magasin de disque à son nom, peut-être l’arrière salle de son cabinet dentaire !
3°) Earl Chinna Smith a enregistré avec Keith sous le sobriquet de Earl Flute.
4°) « Africa » de Delroy Wilson est une reprise du célèbre pénitencier de Johnny, The House of the rising sun !
5°) la chanson « Spanish Omega » de Dennis Alcapone est sur le pressage VP nommée Spanish Amigo !
JE kiffe Hudson signé DOCTEUR X-RAY copyright @2009
Big up à la page de Fire Corner qui m’a bien aidé, car les infos étaient dures à trouver…
http://www.firecorner.com/magazine/hudson/index.html
L’original de Keep a secret de Big Youth, Leave me crying de Hudson, sur le label anglais Summit :
http://www.youtube.com/watch?v=M5Y_FR4cdHw&feature=related
Et le bijou de Horace Andy :
http://www.youtube.com/watch?v=zHG8T6Qfuao