AUGUSTUS PABLO : Ni mexicain, ni espagnol, l’Auguste musicien qui nous a quitté il y a pile dix ans était vraiment un être à part dans le Reggae. Humble et effacé, il aurait pu être ignoré et ne pas marquer cette période charnière du reggae Roots, si il n’avait pas eu l’originalité d’évoluer uniquement dans le Dub, et avec un instrument à qui il a donné ses lettres de noblesse, le Mélodica.
Multi instrumentiste de surcroît, il a tout d’abord côtoyé tous les studios de Jamaïque, avant de créer son propre label, Rockers, du nom de son Sound-System, bien avant donc que l’on ne déclina en style cette rythmique particulière du Reggae… Jouant dans un registre de gammes mineur, on qualifia ses morceaux de « Eastman Sound », de « Far East Sound » (tourné vers l’Asie - mineure !-, en référence à l’Extrême-Orient), et on comprit vite la force méditative qui se propageait de ses instrumentaux. « Quand on joue en mineur, c’est comme une histoire sans paroles, les gens qui méditent en profondeur peuvent y pénétrer... ».
Quand Stephen Davis raconte son premier voyage en Jamaïque en 77, il dira de lui « À vingt ans à peine, Pablo est un des hommes de la renaissance dans le Reggae ». Il a vu juste, même si il s’est trompé de quelques années, sa naissance à Havendale, dans le district de Saint Andrew, au Nord de Kingston, le 21 Juin 1953 ayant été confirmé depuis. Ne pouvant s’offrir que des leçons de piano à l’école, voire quelques exercices pratiques sur les orgues de l’Eglise paroissiale, il partagea le banc du Kingston College avec Tyrone Downie. Futur organiste de Marley, il l’accompagna aux premières sessions des Wailers avec les frères Barrett & The Upsetter. C’est grâce à la copine d’un ami, et dans le magasin de Herman Chin-Loy (Aquarius, pù il se procurait des singles pour son sound-system) qu’il s’enticha de cet instrument à mi-chemin entre l’harmonica et la flûte, pratique à balader de studio en studio. L’histoire ne dit pas si le musicien connaissait le chanteur américain Nat King Cole, un des premiers à ramener d’Italie l’Occarina pour le populariser aux States, un accompagnement facile et ludique pour ce pianiste averti… Mais revenons à Yard ! Le lendemain de sa trouvaille, Horace Swaby pas encore Pablo enregistrait déjà son premier disque « Iggy, Iggy » au Studio Randy’s, puis « East of the River nile » pour ce même producteur sur une rythmique « vendue » par Lee Perry, avant de changer de « Chin » pour Clive, avec le morceau de légende qu’est « Java ».
Clive Chin enregistrait alors Dennis Wright sur un nouveau riddim, au milieu de l’année 1969, mais n’était pas satisfait du résultat. Les Chosen Few produisirent alors de bons chœurs sur lequel le Mélodica se posait idéalement, et simplement. Le producteur appela ensuite Tommy Mc Cook, Bongo Herman, et le DJ Dennis Alcapone, et plus aucun chanteur ! Le rapide succès amena les labels concurrents (Studio One avec Cedric Brooks, et Prince Buster) à reprendre l’air dans les mois qui suivirent, et il fallut attendre 2003 pour que Bobby Digital ne « cutte » dessus les voix de Bushman, Morgan Heritage, et Sizzla…
Clive Chin intitula même son prochain 33 tours Java Java Java, le premier prototype d’album Dub, un set instrumental où basse et Batterie étaient mises en avant, sans être encore accompagnées d’effets. Dès lors, les portes des studios de l’île accueillirent le jeune musicien : Leonard Chin (Lovers Mood, Palace of Peace), Derrick Harriott (Bells of Death ou le coquin Bedroom Mazurka), Yabby You (Tippatone Blues), Winston Edwards (Fort Augustus -!- Rock) Tommy Cowan (The way ou l’album Ital Dub), Bunny Lee (sur le riddim Barbwire), Winston Riley, Keith Hudson, Jack Ruby (sur Foggy Road c’est pas sur que ce soit Pablo d’ailleurs…) Joe Gibbs, Augustus Gussie Clarke pour Born to Dub You (tiens un autre Augustus en Jamaïque !), et même Lee Perry (Hot & cold), lors d’une improvisation.
L’absence de tout un album avec ce dernier est d’autant plus flippante qu’il aurait été enregistré, sans se mettre d’accord pour le diffuser. Seul « Lama Lava » et « Vibrate on » devaient sortir de cette ultime session. Augustus Pablo sera d’ailleurs vite rempli de désillusions et de méfiance face à la véracité des producteurs de l’île. Ce sera donc la fin de la première carrière de Pablo, compilée dans des albums de qualité variable (mention spéciale au cd Trojan « Skanking with Pablo » 71-77). Dès 1978 il sortit donc sur ses propres labels, (Rockers, Pablo Int., Rockers Int., Hot Stuff, Yard, Message…) ses propres morceaux, indépendant jusqu’à la fin de son immense carrière, avec de nombreuses perles très souvent mixés par le King Tubby aux manettes ! (Voir la Totale de… sur ce blog). Quand Stephen Davis lui demande à l’époque son groupe idéal, il n’hésitera pas : « Chinna à la guitare, Family man Barrett à la basse Geoffrey Chung aux claviers, Bobby Ellis et Tommy Mc Cook aux Cuivres. Et je peux m’imprégner des styles de tous les batteurs… » ajouta t-il, lui qui le premier (avec Barrett) a utilisé des boites à rythme pour ses répétitions et maquettes.
Il s’entoure donc des meilleurs et enfile rapidement la carrière de producteur, avec ses protégés Jacob Miller (ses sessions de 74-75) et Hugh Mundell pour « Africa must be Free » où deux titres furent mis en boite dans le Black Ark Studio, « Why do Black… » et « Let’s all Unite ». Il suivit toute une pleïade d’artistes, des rares Immortals à son pote Junior Delgado, en passant par Delroy Williams, Norris Reid, le groupe Tetrack et Horace andy. Et aussi Big Youth, Alton Ellis, Ricky Grant, Dawn Penn, Sister Frica, Jah Bull, les mystérieux Asher & Trimble, de même que Israël Vibration (1978) ou Yami Bolo (1990) à leurs débuts…
On le croisera plus facilement dans son échoppe qu’en tournée, son style instrumental pouvant difficilement se décliner en Live, avec toutefois des apparitions extraordinaires à Londres et aux States dès la deuxième moitié des années 80. A Paris, quelques-uns ont pu le voir, pour un set jamais complet, car sa santé restait précaire. Un cancer d’une jambe (qu’il n’a jamais voulu amputer pour suivre les préceptes rastas), une pauvre alimentation, des problèmes d’arthrite et ce sera finalement la myasthenia gravis qui aura raison de lui… Jamais comme il a été écrit, il n’eut de Diabète ou des insuffisances respiratoires provenant de sa large consommation de Marijuana…
Si l’on retient trop hâtivement « King Tubby meets Rockers uptown » comme sa plus grande œuvre, » (C’est en fait un faux album de Augustus Pablo), il sera bon de revenir sur sa discographie, et résumer tout ce qui est disponible de lui dans une deuxième partie…
Un dernier mot sur son patronyme aussi étrange que sa musique : C’était un nom inventé (tiré d’un film mexicain ?) par Herman Chin-Loy, qui ne lui était pas vraiement destiné. Il servait au départ à signaler certaines productions anonymes (au dos des singles) que sortaient le producteur, faites notamment par son organiste Glen Adams. Jusqu’au jour où Glen partit aux Etats-Unis, le lendemain de la seesion de « Esta of the River Nile », et que Horace se vit affubler de son nom pour le restant de sa carrière… Le départ de cet organiste est longuement commenté dans le livre «Solid Foundation » de David Katz, car il permit à des musiciens comme Pablo de se faire un nom, notamment avec les Wailers de Lee Perry...
POUR LIRE LA 2ème PARTIE, CLIQUER ici : http://massilia-reggae-doc.blogspot.fr/2009/05/far-east.htmlMulti instrumentiste de surcroît, il a tout d’abord côtoyé tous les studios de Jamaïque, avant de créer son propre label, Rockers, du nom de son Sound-System, bien avant donc que l’on ne déclina en style cette rythmique particulière du Reggae… Jouant dans un registre de gammes mineur, on qualifia ses morceaux de « Eastman Sound », de « Far East Sound » (tourné vers l’Asie - mineure !-, en référence à l’Extrême-Orient), et on comprit vite la force méditative qui se propageait de ses instrumentaux. « Quand on joue en mineur, c’est comme une histoire sans paroles, les gens qui méditent en profondeur peuvent y pénétrer... ».
Quand Stephen Davis raconte son premier voyage en Jamaïque en 77, il dira de lui « À vingt ans à peine, Pablo est un des hommes de la renaissance dans le Reggae ». Il a vu juste, même si il s’est trompé de quelques années, sa naissance à Havendale, dans le district de Saint Andrew, au Nord de Kingston, le 21 Juin 1953 ayant été confirmé depuis. Ne pouvant s’offrir que des leçons de piano à l’école, voire quelques exercices pratiques sur les orgues de l’Eglise paroissiale, il partagea le banc du Kingston College avec Tyrone Downie. Futur organiste de Marley, il l’accompagna aux premières sessions des Wailers avec les frères Barrett & The Upsetter. C’est grâce à la copine d’un ami, et dans le magasin de Herman Chin-Loy (Aquarius, pù il se procurait des singles pour son sound-system) qu’il s’enticha de cet instrument à mi-chemin entre l’harmonica et la flûte, pratique à balader de studio en studio. L’histoire ne dit pas si le musicien connaissait le chanteur américain Nat King Cole, un des premiers à ramener d’Italie l’Occarina pour le populariser aux States, un accompagnement facile et ludique pour ce pianiste averti… Mais revenons à Yard ! Le lendemain de sa trouvaille, Horace Swaby pas encore Pablo enregistrait déjà son premier disque « Iggy, Iggy » au Studio Randy’s, puis « East of the River nile » pour ce même producteur sur une rythmique « vendue » par Lee Perry, avant de changer de « Chin » pour Clive, avec le morceau de légende qu’est « Java ».
Clive Chin enregistrait alors Dennis Wright sur un nouveau riddim, au milieu de l’année 1969, mais n’était pas satisfait du résultat. Les Chosen Few produisirent alors de bons chœurs sur lequel le Mélodica se posait idéalement, et simplement. Le producteur appela ensuite Tommy Mc Cook, Bongo Herman, et le DJ Dennis Alcapone, et plus aucun chanteur ! Le rapide succès amena les labels concurrents (Studio One avec Cedric Brooks, et Prince Buster) à reprendre l’air dans les mois qui suivirent, et il fallut attendre 2003 pour que Bobby Digital ne « cutte » dessus les voix de Bushman, Morgan Heritage, et Sizzla…
Clive Chin intitula même son prochain 33 tours Java Java Java, le premier prototype d’album Dub, un set instrumental où basse et Batterie étaient mises en avant, sans être encore accompagnées d’effets. Dès lors, les portes des studios de l’île accueillirent le jeune musicien : Leonard Chin (Lovers Mood, Palace of Peace), Derrick Harriott (Bells of Death ou le coquin Bedroom Mazurka), Yabby You (Tippatone Blues), Winston Edwards (Fort Augustus -!- Rock) Tommy Cowan (The way ou l’album Ital Dub), Bunny Lee (sur le riddim Barbwire), Winston Riley, Keith Hudson, Jack Ruby (sur Foggy Road c’est pas sur que ce soit Pablo d’ailleurs…) Joe Gibbs, Augustus Gussie Clarke pour Born to Dub You (tiens un autre Augustus en Jamaïque !), et même Lee Perry (Hot & cold), lors d’une improvisation.
L’absence de tout un album avec ce dernier est d’autant plus flippante qu’il aurait été enregistré, sans se mettre d’accord pour le diffuser. Seul « Lama Lava » et « Vibrate on » devaient sortir de cette ultime session. Augustus Pablo sera d’ailleurs vite rempli de désillusions et de méfiance face à la véracité des producteurs de l’île. Ce sera donc la fin de la première carrière de Pablo, compilée dans des albums de qualité variable (mention spéciale au cd Trojan « Skanking with Pablo » 71-77). Dès 1978 il sortit donc sur ses propres labels, (Rockers, Pablo Int., Rockers Int., Hot Stuff, Yard, Message…) ses propres morceaux, indépendant jusqu’à la fin de son immense carrière, avec de nombreuses perles très souvent mixés par le King Tubby aux manettes ! (Voir la Totale de… sur ce blog). Quand Stephen Davis lui demande à l’époque son groupe idéal, il n’hésitera pas : « Chinna à la guitare, Family man Barrett à la basse Geoffrey Chung aux claviers, Bobby Ellis et Tommy Mc Cook aux Cuivres. Et je peux m’imprégner des styles de tous les batteurs… » ajouta t-il, lui qui le premier (avec Barrett) a utilisé des boites à rythme pour ses répétitions et maquettes.
Il s’entoure donc des meilleurs et enfile rapidement la carrière de producteur, avec ses protégés Jacob Miller (ses sessions de 74-75) et Hugh Mundell pour « Africa must be Free » où deux titres furent mis en boite dans le Black Ark Studio, « Why do Black… » et « Let’s all Unite ». Il suivit toute une pleïade d’artistes, des rares Immortals à son pote Junior Delgado, en passant par Delroy Williams, Norris Reid, le groupe Tetrack et Horace andy. Et aussi Big Youth, Alton Ellis, Ricky Grant, Dawn Penn, Sister Frica, Jah Bull, les mystérieux Asher & Trimble, de même que Israël Vibration (1978) ou Yami Bolo (1990) à leurs débuts…
On le croisera plus facilement dans son échoppe qu’en tournée, son style instrumental pouvant difficilement se décliner en Live, avec toutefois des apparitions extraordinaires à Londres et aux States dès la deuxième moitié des années 80. A Paris, quelques-uns ont pu le voir, pour un set jamais complet, car sa santé restait précaire. Un cancer d’une jambe (qu’il n’a jamais voulu amputer pour suivre les préceptes rastas), une pauvre alimentation, des problèmes d’arthrite et ce sera finalement la myasthenia gravis qui aura raison de lui… Jamais comme il a été écrit, il n’eut de Diabète ou des insuffisances respiratoires provenant de sa large consommation de Marijuana…
Si l’on retient trop hâtivement « King Tubby meets Rockers uptown » comme sa plus grande œuvre, » (C’est en fait un faux album de Augustus Pablo), il sera bon de revenir sur sa discographie, et résumer tout ce qui est disponible de lui dans une deuxième partie…
Un dernier mot sur son patronyme aussi étrange que sa musique : C’était un nom inventé (tiré d’un film mexicain ?) par Herman Chin-Loy, qui ne lui était pas vraiement destiné. Il servait au départ à signaler certaines productions anonymes (au dos des singles) que sortaient le producteur, faites notamment par son organiste Glen Adams. Jusqu’au jour où Glen partit aux Etats-Unis, le lendemain de la seesion de « Esta of the River Nile », et que Horace se vit affubler de son nom pour le restant de sa carrière… Le départ de cet organiste est longuement commenté dans le livre «Solid Foundation » de David Katz, car il permit à des musiciens comme Pablo de se faire un nom, notamment avec les Wailers de Lee Perry...
Toute reproduction même partielle interdite sans accord préalable de l'auteur.
Docteur X - RAY - Fin de la 1ère partie.