IL Y DIX ANS, UN CONCERT CHRONIQUE PAR LE DOCTEUR
SA MAJESTE RASTA FAR I a dans le monde du reggae de nombreux disciples, qui ne concoivent pas cette musique sans s’accompagner une communication spirituelle. Derrière les vapeurs de ganja, cette communion de foi peut paraître exhubérante et éphémère, mais dans une situation d’opression constante du système, cette éveil culturel, voire religieux, semé dans les ghettos du monde entier, pourrait bien représenter une force dans le futur. Beaucoup attendaient donc la venue de Ras Michaël and the sons of Negus, pour ressentir ce genre de vibrations. Le maître du Nyabinghi était là, autant appécier ce qu’il nous a donné pendant cette tournée :Rencontre, interviews et compte rendus de cette grand messe commenté par votre missionaire...
Mista’ Aziz et son Mélomanes Club étaient sans doute les plus désireux de faire revenir ce groupe en France, après un premier passage dans les années 80 qui s’était révélé désastreux, mais auquel les quelques marseillais présents en retiendront toute la chaleur: Sans argent, les musiciens avaient été logés pandant quelques jours dans notre ville, avant de partir (en stop) sur Nice pour un nouveau concert qui devait leur permettre de rentrer chez eux. Depuis la venue des Abyssinians, on sait que le “posse” de Montpellier a toujours axé son travail sur les attaches culturels du mouvement reggae. La branche nyabinghi est surement celle qui reste la plus proche des racines, mais leur chef de file historique restait planqué en Californie, sans sortir de nouveaux albums, et faisant seulement quelques uniques apparitions dans des festivals, comme l’hommage à Bob à Long Beach en 1991, ou le “Reggae on the Rocks”. “Ma “Base est en Californie, on peut me rencontrer, y prendre des lecons de nyabinghi, s’informer sur la réalité du mouvement rasta et sur la façon de jouer du nyabinghi”. Un peu la même direction qu’ont pris en Jamaïque la confrérie des Mystic revelation of rastafari (le groupe de Cout Ossie)... L’homme ne s’est pas pour autant tourné vers le mode de vie américain. “J’aime vivre dans les montagnes. en JamaÎque, c’est plus flexible. Une vraie communauté...” “On a encore besoin d’argent pour monter là-bas un vrai centre culturel avec un studio, une formation aux nouvelles technologies, un studio d’enregistrement, des cours, mais tout ça est dans et pour le ghetto, il manque encore quelque dizaines de milliers de dollars”. Dur, dur, même si l’homme est appelé jusqu’au Japon pour y donner des performances. Le mois prochain il ira au Gabon avec Burning Spear, et Capleton : Les percussions utilisés, les rythmes employés, le message des textes, tout indique son identification à l’Afrique. “Mais nous ne sommes pas encore alllés là-bas, je n’ai pas joué en Afrique parce qu’à l’époque, il y avait les problèmes de l’Apartheid, et ceci suffisait à justifier mon refus. C’est plus cool aujourd’hui, peut-être serai-je même accueilli en Ethiopie cette année.”. Cette tournée était justement nommé spiritual nyabinghi, et beaucoup de choses ne s’expliqueront pas. “La musique roots est LA façon de vivre, la musique des gens du ghetto. Une communication vers les gens. Un message d’amour, car sans l’amour, on est rien”. Les premières dates au Nord de la France ont permis au groupe de développer tout leur répertoire, et de tester le feeling, indispensable, et rajeunir certains morceaux de son dernier album, “Know now, qui date déjà de 1989. “Marriage à Canaan”, “Give thanks and praises” “War mongers” et “Born in the ghetto” ont le rythme entrainant du reggae “One drop”, et l’ajout de sa frappe à l’Akété nous rappelle aux racines “churchical” des ces titres. A Toulon, leur sonorisateur leur avait fait défaut, et l’on pense que c’est celui de No More Babylon, qu’il l’a remplacé, donnant une dimension très dub aux morceaux, d’une excellente manière. Chaque prestation se révèlera très différente, tant l’improvisation et l’ordre des morceaux pourrat être modifié suivant ce qu’il dégage. Et suivant ce que le public pourra dégager. Et, surprise, c’est une nouvelle génération qui s’est déplacé: Les enfants de Marley. “ Bob me l’avait déjà dit, je lui parlais de ça la nuit dernière, et il a répondu : “Ras Michaël est un nyabinghi specialist.” Je te le dis comme c’est: Ce coté spirituel, tourné vers les racines, mon style, ma musique, il l’avait compris, lui et Bunny Wailer. Il disait: “Regarde tous ces gens qui jouent du reggae: Pour écouter cette musique, et qu’elle reste, il faut la jouer avec le coeur; mais ce sont des vibrations simples, quand on est chanceux de les trouver, on est heureux, man. ” Plus de trois heures à Dijon, Deux heures et demi à Toulon, bien moins à Marseille, et un grand succés à Montpellier, le fief des Mélomanes. Une grande envie de jouer. En fait, le public à Marseille paraissait en comparaison quelque peu endormi, ou trop Irie, ne saisissant pas comme il se devait, l’envie qu’avait le chanteur de nous faire participer. Avertissement intraduisible de ce fumeur de pipe (une tradition ancienne): “L’usage de ganja n’est pas une “likle slang thing”, (autrement dit, il ne faut pas le prendre à la légère...), c’est à usage de méditation spirituelle, et la fumer n’est pas la seule utilisation: Tu peux la bouillir, boire le thé, soigner les glocomes, ou d’autres maladies, tu peux la cuisiner, la manger comme un légume, yes! C’est une réalité, on ne peut en être dépendant si on l’utilise de cette manière. C’est écrit dans la bible...”. Légalisation? “Les choses vont changer, il faut attendre encore”.
Ambiance un peu lassive donc, à l’Espace Julien, Michaël était un peu tendu et fatigué, car en fin de tournée. Cette fois, c’est le claviers qui s’est tout de suite détaché du lot. Avec des solos très inspirés, façon Jackie Mitoo, son allure ne paie pourtant pas de mine, mais sous son chapeau se cachait quelqu’un d’assez réservé, dans l’ombre et la lignée des plus grands “Les sons of Negus sont une évolution, une sorte d’institution, beaucoup de frères sont passés par là. Tous choisis parmi les fils de Dieu. Roobie Shakespeare, Sly sont passés par là”. Roobie Lyn, Peter Tosh a fait beaucoup d’albums pour moi, c’est un concept, de l’inteérieur, chacun choisi pour son individualité, leur connaissance fait le reste... Le batteur, Benbow, lui aussi. Et il se sentait bien à Marseille, le sourire derrière les toms, on captait sa complicité et sa volonté de réusir. Une nouvelle fois. A Toulon, c’était le sax, bien mis en valeur par le son, qui s’est surpassé sur des envolées de riddim studio One. A Montpellier, curieusement, c’est le guitariste, assez timide jusque là qui s’est dévoilé. Comme si ils étaient conduits par un ordre divin, tout était pretexte à une libre improvisation, et Ras Michaël a suivant les dates plus frappé le nyabinghi. Il a même repris juqu’à trois fois le Rastaman chant de Bob à l’Espace Julien. Mais partout, la même prise de conscience, le même humanisme. “Tu ne comprends pas toutes mes paroles quand je chantes, mais tu sens les vibes. Tu sais si ca parle d’amour et de guerre, non?” On aurait voulu savoir son secret, il ne nous l’a pas révélé.Ou plutôt il n’y en a pas : Un prophète est passé de par chez nous, un des derniers piliers vivants de cette musique, reggae, et le vrai maître spirituel actuel du tambour nyabinghi... “Mon premier morceau a été “Ethiopian anthem”” avoue t-il... La conclusion : “Nous avons aimé la réponse du public français. Chaque show était propre, dans toutes les villes c’était bon et différent, tu sais, la musiqe parle d’elle même, et les gens peuvent y trouver ce qu’ils veulent /.../ le revival roots s’explique car c’est un cycle, et nous, nous sommes sur une “bicycle”, et nous allons de partout. Bonne route, et à bientôt pour un nouveau tour de France. Ici, le retour de Ras Michaël est attendu. Comme un Messie... DOCTEUR X-RAY
PS DIX ANS APRES : Ras Michael a sorti en auto prod' complète ses deux plus récents albums, Wa dem a Go do Wid it, et Try Love, mention spéciale au dernier dont vous pouvez entendre des extraits sur ma selecta' number one. Il vit toujours en Californie. Il n'y a pas d'espoir de le revoir chez nous bientôt...