samedi 7 octobre 2023
THE DARK SIDE OF REGGAE
Mais où est passé l'argent du Reggae?...
Quand vous achetez un disque de Reggae, une réédition d'un morceau anthologique, ou quand vous écoutez sur les plate-formes la période dorée du Reggae Roots, dans la plupart des cas l'artiste ne touchera pas de royalties. Pire, les droits annexes que prévoient les institutions Françaises ne sont jamais perçus par leurs acteurs, qu'ils soient musiciens, artistes interprètes ou producteurs.
Maître Bertrand est un avocat français qui a voulu remettre un peu de Justice dans tout ça à l'aube des année 2000...
Ce combat lui a presque couté sa vie, il a gagné des tas de procés et en a perdu certains, il a aidé plus de 200 noms d'artistes à retrouver leurs droits.
Tout cela méritait aujourd'hui que l'on en parle car depuis des plateformes d'écoute et de téléchargement diffusent leurs morceaux en licence sur des labels (et souvent des majors) qui devraient s'acquitter de sommes pour les artistes et producteurs...
"Le signe du destin ? Une main céleste qui me guide ? Le sentiment de n'être qu'au début d'une enquête, de dégoupiller une bombe qui va faire beaucoup de bruit ? Lorsque je me suis retrouvé devant le palier du domicile de Maître Bertrand ce 11 Mai 2023, 42 ans jour pour jour après avoir découvert la Musique Reggae, je me suis posé toutes ces questions... Une seule réponse me vient aujourd'hui : S'il y a bien un élément charnière qui revient dans toutes ces années à me passionner pour la musique Jamaïcaine, c'est bien la quête de Justice envers les droits de ces artistes, chanteurs, producteurs et musiciens que j'adorais !
En tant que collectionneur d'abord, mon engouement précoce à découvrir tant d’airs légendaires m'a fait toucher du doigt les perversions et la réalité en roue libre de certains labels de réédition : Ils ne voient que le profit et n'ont guère d'opposition à leur petite entreprise, ils n'hésitent pas à quémander les collectionneurs de quelques galettes inédites à inclure dans une compilation, sans passer par la case royalties... Pourtant, ces rééditions ont, et auront toujours une saveur inégalée, et même vendue à un prix prohibitif ils seront des cadeaux pour les fouineurs que nous sommes et qui n'avons pas le budget pour s'acheter des originaux ! Un 45 tours jamaïcain peut atteindre aujourd'hui plusieurs centaines d'euros (rarement plus compte tenu de l'état général des pressages retrouvés). Je les ai collecté à l'époque où cela ne valait pas grand-chose aux yeux des acheteurs, mais contrairement à la grande famille des collectionneurs qui gardent leur trésor bien caché, j’ai voulu les diffuser, les faire partager, pour me rendre compte au final que les interprètes jamaïcains de ces morceaux ne les possédaient même plus, pour la plupart d'entre eux !
Ayant que peu d’informations au départ sur leur origine (il n'y avait pas encore internet), j’ai essayé d’en décrypter le sens en étudiant tous les détails d’une pochette d’album. En recoupant les informations (studio, producteur, label) et en remettant le disque dans son contexte historique au moment de sa sortie, cette musique m'est apparue comme révolutionnaire ! Elle est surtout unique car elle a été réalisée à la source dans le ghetto, chaque acteur (auteur, chanteur, producteur) n'ayant comme richesse que l'influence qu'il exerçait dans leur propre quartier, et comme pouvoir que la popularité des sound-systems qui assurait la promotion de leur travail (les radios ne diffusant que très peu de Reggae). Le journalisme m'a ensuite ouvert les portes à la Jamaïque et au peuple jamaïcain, légataire de sa Culture musicale. Dans d'innombrables interviews, le patois ne me facilitait pas la compréhension mais ma quête s’est révélée rapidement passionnante, et leurs témoignages le sont encore plus aujourd'hui puisque la plupart d'entre eux ne sont plus de ce monde. Relié par mon intérêt dans l’animation radio, j'ai diffusé ces histoires lors de centaines d'émissions radio et joué des milliers de vinyles avant que cela en devienne mon métier, dans une boutique de disques spécialisée et indépendante dans les années 90...
J'ai ainsi vu au grand jour tout l’aspect business, qui n’apparaît jamais en premier quand on est fan d’un artiste ou d’un style musical ! Et cela n'était pas si rose que ça, on me prenait facilement pour un exploiteur puisque je faisais la promo et me fournissait à ces mêmes labels de rééditions. Mon premier fournisseur fut d'ailleurs Trojan Records, que l'on avait du mal à trouver à Marseille depuis la fermeture du légendaire Kahn en haut de la Canebière... Les artistes jamaïcains venus dans ma boutique avant les concerts étaient partagés entre la colère envers moi qui faisait fructifier ces « faux » labels et la providence que je pouvais leur apporter, afin de les aider à remonter les mailles du filet et stopper cette exploitation... Des labels Français ont aussi occupé le terrain mais ils permettaient souvent de faire la promotion de ces artistes qui venaient jouer en France et n'avaient pas un seul cd en vente. Mais à quel prix ? J'ai vite appris à reconnaître quelles sorties pouvaient être soupçonnés de recel...
Quinze ans après la fermeture de ma boutique, nous avons expérimenté avec un collectif de D.J des remixes, basés sur des morceaux anciens du répertoire jamaïcain, et la plupart du temps postés sur You Tube : Ils ont généré des publicités et redevances à ces mêmes labels, dont certains sont regroupés depuis alors au sein de « Majors » par le truchement de vente et de faillites successives... Ils sont vraiment trop forts ! Ils fructifient donc leurs arnaques aujourd'hui en ramassant les fruits du travail de D.J's inconnus qui ne touchent pas un rond : Jackpot !
La popularité du Reggae a éveillé des mauvaises graines d’hypocrisie et des boutures vivaces d’orgueil, elle a engendré des personnages avides, des tourneurs négriers, des artistes « à coté de la plaque », des bonimenteurs foireux, et surtout des tonnes de compilations douteuses. Ces « faux-albums » de labels frauduleux n’ont pas aidé le consommateur à s’y retrouver et à cerner le sens premier de cette musique : La libération face à l'oppresseur ! Mais la Culture jamaïcaine a fédéré rapidement tout un public en France, dont beaucoup étaient réceptifs à son message culturel. En parlant dans un micro, puis en vendant derrière un comptoir des singles, en poussant mes sélections derrière des platines dans des Sounds-systems, j'ai senti sa Force, son énergie. L'espoir de jours meilleurs conduisait mes pas, illuminé par certaines rencontres inoubliables : Citons seulement celle avec Hélène Lee, ancienne journaliste devenue écrivaine et réalisatrice, et qui a inauguré, bien malgré elle, la série des procès faisant l'objet de l'ouvrage attendu : "Mais où est passé l'argent du Reggae" sera publié dans quelques semaines, en Anglais et en Français."
Plus d'infos, d'interviews et de réactions à venir sur cette page..."
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