Pour commencer, énumérons ce qu’il n’était pas : Un instrumentiste tout d’abord, car contrairement à d’autres comme Lee Perry, il ne composait pas, ne chantait ni ne jouait dans les sessions de groupes de reggae. Si tant de disques sont rangés sous son patronyme (en fait tubman était le nom de jeune fille de sa mère, rien à voir avec le « tub » ou baquet dans lequel on fixait les boomers d’enceinte, ou encore d’un quelconque « tube » cathodique !), c’est avant tout qu’ils font référence au studio par lesquels ils sont passés… Son seul instrument restera sa table de mix, et ses racks d’effets. Comme une griffe, le « tubbys studio » y a apposé sa marque de fabrique, même quand l’homme n’y participe pas directement. King Tubby n’était pas non plus un producteur, même si en fin de carrière, il a réalisé quelques prod’ digitales. L’essentiel de son œuvre a été produite par d’autres. Citons parmi les premiers Glen Brown, Bunny Lee, puis pratiquement tous les autres ! On a aussi écrit beaucoup de rumeurs sur ces relations avec Lee Perry. Mais c’est chez lui que Scratch a enregistré nombre de classiques (Black IPA, Bathroom Skank), juste avant d’avoir son propre studio, le Black Ark, techniquement conçu par la maître Tubby lui même. Leur collaboration se résume volontiers à un des tous premiers albums de Dub à utiliser la stéréo, mais là encore (le mythe va tomber), c’est une légende qui court que l’un s’occupait de la voie de droite, l’autre de celle de gauche. En fait, ce sont plus vraissemblablement de l ‘assemblage de morceaux produits par Upsetter, soumis à un traitement particulièrement audacieux par Tubby, avec certains effets sous la houlette de Perry…
On a aussi mis sur sa couronne le fait qu’il avait inventé le Dub, ou le remix, et de façon plus technique, qu’il a le premier enlevé les parties vocales d’une chanson pour y placer la voix d’un DJ. Faux et imprécis, en fait c’est Ruddy Redwood et Byron Smith, qui un matin de 1969 (encore un tribute à préparer, 40 ans après…) ont démarré le processus. Entendant le résultat, à Spanish Town, sur le coup de Minuit, quand Ruddy passa à sa soirée un morceau des Paragons suivi de l’erreur du mixeur Byron, qui avait enregistré une acétate sans la voix du groupe vocal attitré de Treasure Isle, Bunny Lee a dit à son compère et futur royauté : « C’est cela que tu devrais faire ! … ».
Il a démarré profesionellement à 17 ans, à la fin des années 50, comme réparateur électrique pour les hotels, puis s’est installé dans le quartier de Waterhouse, bidouilleur pour sa propre structure, le tubby’s Home town Hi Fi, créé en 1968…Cela peut paraître étrange si je vous dis que l’homme n’avait pas du tout le matériel le plus puissant de l’île ! En effet, c’est sur un simple ampli de salon (type Marrantz ou Pioneer, d’où le nom de son « son ») qu’il créa le meilleur sound-system de l’île, à coups d’effets (reverbs et delays), sur des selections qui au départ étaient simplement enregistrés sur cassette à la Radio ! La puissance venait de son innovation, et d’avoir plaçé (selon Dennis Alcapone) des sirènes de bateau qui diffusaient les aigus, dans les arbres...
Inventif, on lui attribue volontiers la paternité du genre, et du coup, d’avoir fait naître le style DJ et débuter U-Roy : La carrière du père de tous les Deejays commenca certes comme selector sur son son, mais il enregistra ses premiers titres pour Keith Hudson, et Lee Perry, avant de se retrouver à la tête du hit parade à la première deuxième et troisième place grâce à des productions de Duke Reid. Le Duke était le premier employeur de Osbourne Ruddock, employé comme graveur de disque. Tatillon, il sortait toujours d’autres versions du morceau avant d’accoucher celle définitive, pressé sur 45 tours. C’est pour cela que les rocksteady de Treasure Isle avaient toujours un son parfait… Mais ce sont sur les versions non abouties (« specials ») que U-Roy s’entrainaît en Live, sans savoir qu’un jour la mode serait à graver des disques … de DeeJays, et que plus tard, le Rap envahirait les ghettos des grands métropoles du monde entier!
De par ce travail, il put d’abord s’offrir en 1971 la table 4 pistes que byron Lee dégageait de Dynamic, et remplacer celle (deux pistes) qu’il avait construite artisanalement de A à Z. Avec cette multiplication de possiblités sonores, il s’essaya à enregistrer sur des faces B ses propres remixes, qui allaient bientôt faire « vendre » la face A. Jamais exclusivement employé par un studio, il constitua le meilleur de sn œuvre entre 1969 et 1974 (le phaser sur les flying cymbals de Bunny Lee, et les concoctions de reverbs employées pour Yabby You en sont de très bons exemples…). Parler de l’importance de King Tubby dans le dub est oublier que l’on faisait surtout appel à lui pour enregistrer les parties vocales d’un morceau. Son studio à Dromilly avenue était bien trop éxigü pour y amener un orchestre : La cabine de voix était installée dans la salle de bain, la console dans l’autre pièce, avec dans une pièce attenante son atelier de réparation…
En 1973, haté par la concurrence grandissant de Joe Gibbs et son ingénieur Errol T, il entreprit l’achat d’une autre table de mix 4 pistes, qui lui permit ce nouveau job, et travailla désormais avec TOUS les chanteurs jamaïcains, d’Owen Gray à Horace Andy, Johnny Clarke, Linval Thompson, Derrick Morgan, Cornell campbell, John Holt… Le premier fruit de cette nouvelle entreprise serait le morceau de Roy Shirley, « Stepping Razor » d’après les spécialistes, tout comme son premier morceau instrumental enregistré serait le « Psalm of Dub » fait pour Carl Patterson en 1971. Et quand l’on regarde les albums postulant pour le titre de premier du genre, le « Pick a Dub » de Keith Hudson fût mixé par le roi, premier Dub LP à sortir en Angleterre, en même temps que le « Blackboard Jungle ». En 1974, sortit aussi la variation dub d’un LP de Larry Marshall, I admire you (in dub !), et le premier album de remix dubs sous le nom de King Tubby, « Dub from the roots », produit par Bunny Lee..
On imagine donc le roi du Mix derrière des quantités de potards impressionnants, mais rien de tel ! Comme l’on imagine le sieur très solitaire, s’enfermant à double tour pour en ressortir la quintessence dub du morceau de façon mystérieuse. Faux, il avait même un assistant, nommé Professor, puis moultes élèves, qui ensuite ont travaillé dans son studio en son nom : Scientist, Prince Jammy, Philip Smart, tous ont appris chez lui, avant de se faire un nom ensuite. C’est qu’il délivrait volontiers ses secrets, comme l’affirme Mikey Dread dans le livre « Bass Culture », mais a surtout dédié son œuvre aux classes moyennes de Jamaïque, et restera dans l’esprit de tous quelqu’un de gentil, repectueux et respecté de tous… X -RAY - fin de la 1ère partie
POUR ALLER DIRECTEMENT A LA SECONDE PARTIE / http://massilia-reggae-doc.blogspot.com/2009/01/king-tubby-part-2.html